Coronavirus et pertes d'exploitation : les assureurs paieront-ils ?
Annulation de dernière minute, impossibilité de s'approvisionner, de recevoir des clients et bien d'autres situations encore sont devenues le quotidien de tous les indépendants en France. Les récentes mesures du gouvernement pour endiguer la pandémie ont évidemment un gros impact sur l'activité de ces derniers.
Les assurances sont censées couvrir les indépendants des événements externes qui affectent leur activité. Le contrat multirisque pro qui permet de protéger les locaux et la perte d'exploitation en cas de sinistre ne sera pas toujours efficace dans le cas de la COVID-19. Découvrez dans notre étude ce que couvre réellement cette garantie et quels sont les assureurs qui ont décidé de couvrir leurs clients.
Nous avons modélisé l'évolution du nombre de simulations d'assurance multirisque reçues par Coover sur les trois derniers mois. Le résultat est sans appel, les devis bondissent de 130%.
La multirisque professionnelle : l’assurance des biens et de l’activité de l’indépendant
L'assurance multirisque professionnelle est un contrat essentiel pour tout travailleur non salarié qui dispose d'un local professionnel (commerce, bureau, cabinet, atelier etc.).
Cette assurance comprend plusieurs volets :
- la protection des biens contenus dans le local en cas de sinistre ;
- la responsabilité civile professionnelle de l'indépendant et de ses salariés ;
- les conséquences financières d'un sinistre avec la garantie perte d'exploitation.
Dans le cadre d'une épidémie comme celle du Coronavirus et des mesures de confinement qui en résultent, l'enjeu pour les indépendants va donc être de couvrir leurs pertes d'exploitation.
L’assurance pertes d’exploitation : une option pourtant inopérante en cas d’épidémie
Malheureusement, les assureurs que nous avons contactés ont été formels : la perte d'exploitation ne sera pas indemnisée dans la très grande majorité des cas.
Tout d'abord, cette garantie est généralement liée à des dommages matériels. Cela signifie que pour activer l'assurance pertes d'exploitation, le contractant doit pouvoir prouver que des dommages matériels ont été causés par le sinistre. Or, dans le cas d'une épidémie, aucun dommage matériel n'est lié à l'arrêt de l'activité.
D'après l’Association pour le management des risques et des assurances de l’entreprise (AMRAE), 30% des indépendants ont souscrit une garantie de pertes d'exploitation sans dommages et pensaient donc être couverts. Cependant les assureurs ont appris du passé et définissent désormais l'épidémie comme ayant un caractère systématique et généralisé, et donc comme étant inassurable.
Les contrats d'assurance prévoient bien un volet lié à l'indemnisation en cas de catastrophe naturelle. Cependant les assureurs ont confirmé que cela ne comprenait pas les catastrophes sanitaires.
Enfin, un professionnel qui souscrirait aujourd'hui à une assurance multirisque professionnelle ne serait pas couvert. En effet, il y a toujours un délai entre la souscription du contrat et l'obtention des droits. Ainsi, s'assurer pour les pertes d'exploitation ne servira que dans le cas d'un futur sinistre.
Des dispositions d'ordre public ne pourraient elles pas forcer les assureurs à couvrir ces risques exceptionnels mais dévastateurs pour la France ?
L’alternative pour les travailleurs non salariés : les aides du gouvernement
Face à la précarité dont fait face tous les indépendants en France, le gouvernement a enfin pris ses responsabilités et commencent à instaurer petit à petit des aides et des indemnités pour les indépendants afin d'alléger leurs charges. Voici un récapitulatif des premières mesures mises en place :
- Remboursements et échéances des prêts mis en pause et reportés à 6 mois ;
- Absence de prélèvements sur les cotisations sociales en mars ;
- En cas de cessation d'activité, les indépendants recevront un montant de 1 500 euros par mois ;
- Les demandes de trésorerie auprès des banques seront acceptées ;
- La suspension des loyers et des charges fixes.
Ces mesures semblent encore insuffisantes face à la crise que indépendants traversent actuellement.
Des mesures compensatoires timides prises par le secteur de l’assurance
Mesure | Explications |
---|---|
Reports de cotisations | Les assureurs ont pris l'initiative de ne pas suspendre les contrats d'assurance en cas d'impayé |
Contribution au Fonds de Solidarité | La FFA va verser 400 millions d'euros au Fonds de Solidarité pour protéger les TPE et PME les plus touchées |
Indemnités journalières personnes fragiles | Les assureurs se substitueront à la Sécurité sociale pour le versement des indemnités journalières des individus en affection longue durée et pour les femmes enceintes. |
Création régime assurance pour la catastrophe sanitaire | Les assureurs envisagent la création d'un nouveau régime qui leur permettra de contractualiser la possibilité d'indemniser leurs assurés en cas de crise sanitaire. |
Une autre mesure a temporairement été envisagée pour faire contribuer les assureurs à l'effort de solidarité, il s'agissait d'une taxe de 10% portant sur la réserve de capitalisation des assureurs. L'amendement a finalement été annulé car jugé trop punitif pour les assureurs.
Par ailleurs, la déclaration de l'état d'urgence sanitaire ne viendra pas contraindre les assureurs à reconsidérer leur position concernant la perte d'exploitation.
Des mesures individuelles prises par les assureurs
Depuis mi-avril, certains assureurs sont revenus sur leur position et ont décidé d'indemniser leurs clients.
Nous avons recensé ici la liste des assureurs qui ont pris des mesures exceptionnelles et ceux qui ne veulent pas payer.
Assureur | Mesure prise | Commentaires |
---|---|---|
Crédit Mutuel CIC | Oui |
|
BPCE Banque Populaire, Caisse d'épargne, Natixis, Banque Palatine | Oui |
|
Crédit Agricole | Oui |
|
Société Générale Assurances | Oui |
|
MMA | Oui |
|
AXA | Oui |
|
MAPA | Non |
|
Generali | Non |
|
Un mouvement spontané de solidarité de certains assureurs est droit en train de se mettre en place. Sera-t-il suivi par tous les acteurs du secteur ?
Des indépendants mécontents de leurs assureurs, à juste titre ?
Les indépendants font aujourd'hui part aux assureurs de leur incrédulité et de leur mécontentement. A quoi bon payer des primes d'assurances pertes d'exploitation si l'on n'est pas indemnisé lorsqu'on en a le plus besoin ?
En effet, les détenteurs de contrat d'assurance multirisque qui ont payé au prix fort les options pertes d'exploitation sans dommages se retrouvent sans protection.
Quant à ceux qui n'avaient pas souscrit de contrat, ils ne peuvent pas s'assurer aujourd'hui puisque l'épidémie est déjà bien avancée et qu'il n'y a donc plus d'aléa.
Le gouvernement a annoncé qu'il travaillait avec les assureurs sur une assurance pandémie qui devrait pouvoir couvrir les pertes d'exploitation en cas de nouvelle crise sanitaire.
Une augmentation de 130% des devis d’assurance pertes d’exploitation
Depuis le début de l'épidémie, nous observons une très forte augmentation des demandes de devis d'assurance multirisque avec option pertes d'exploitation, elle est en effet de 130% sur les trois derniers mois. Ce phénomène est arrivé à son point culminant depuis les annonces des fermetures de tous les commerces non essentiels par le gouvernement.
La grande majorité des indépendants est couverte par une assurance multirisque mais souvent mal équipée avec des contrats peu couvrants. Ils sont donc aujourd'hui à la recherche de meilleures solutions d'assurance.
Ce phénomène concerne tous les indépendants qui exercent leur activité au sein d'un local. Cependant, les professions les plus concernées sont les commerçants non alimentaire, les professions paramédicales ainsi que les restaurateurs.
L'augmentation des devis de multirisque est généralisée géographiquement même si certaines régions sont plus concernées que d'autres. On observe une augmentation de 204% dans le Grand-Est et de 196% en Ile-de-France. A l'inverse, ce phénomène est plus modéré dans les DROM-TOM avec 61% d'augmentation.
Malgré cette augmentation généralisée de devis d'assurance multirisque, les souscriptions restent stables puisque les nouveaux contrats ne couvriront pas les pertes d'exploitation liées au Coronavirus.
Méthodologie
Le rapport de Coover est basé sur l’analyse des simulations de devis assurance multirisque, à période égale : du 1e janvier au 18 mars 2019 et du 1er janvier au 18 mars 2020.
Pour gommer l’impact de l’augmentation naturelle des demandes sur notre site, nous avons mesuré l’augmentation des demandes sur nos autres produits d’assurance et nous avons retranché cette augmentation globale des résultats de l’étude.